Voici un article pour vous présenter cette activité, vous expliquer chacune des techniques. Il ne s'agit pas d'un tutoriel mais plutôt d'une simple présentation. Je tâcherai de mettre en ligne quelques tutoriaux pour les techniques les plus simples et surtout celles que je pratique que je mettrai en lien au fur et à mesure dans cet article.

L'astrophotographie c'est l'art de photographier les astres, que ce soit les planètes, la lune, le soleil et les objets dits du ciel profond (nébuleuses, amas d'étoiles, galaxies...). Autrefois, disons il y a une trentaine d'années lorsque j'ai commencé l'astronomie, cette pratique était extrêmement difficile et impliquait des techniques très coûteuses. Elle n'était donc réservée qu'à une élite de passionnés et nantis. Aujourd'hui avec l'essort de l'électronique et notamment l'avènement des nouveaux capteurs de caméra et d'appareil photo, il est possible lorsque l'on est un parfait débutant et même sans matériel de faire de l'astrophoto. Si, si! 

Je vais donc vous présenter les techniques suivantes de la moins coûteuse à la celle qui présente le plus gros investissement. Je vous présenterai également à chaque fois deux configurations type pour démarrer ou exploiter à fond chacune de ces techniques.

- Astrophoto en champs large avec un APN (Appareil Photo Numérique) avec ou sans monture

- La digiscopie

- L'imagerie planétaire

- L'imagerie du ciel profond à l'APN au foyer d'un instrument

- L'imagerie du ciel profond à la caméra CMOS ou CCD

- Le ciel profond en bande étroite

- L'imagerie solaire

Conclusion

Avant tout, quelques notions:

En préambule, je dois néanmoins vous parler de deux notions FONDAMENTALES pour comprendre la suite.

1) Le temps de pose et le bruit de votre APN: Classiquement lorsque vous photographiez quelques choses, c'est souvent en plein jour lorsque la lumière est suffisante. Mais vous avez certainement remarqué que lorsque vous prenez une photo de nuit avec votre téléphone portable ou avec un APN, l'image parait floue. C'est parce que pour accumuler suffisamment de lumière votre appareil photo laisse l'obturateur ouvert plus longtemps (et c'est flou parce que vous avez bougé). En astrophoto, vous allez photographier des objets très sombres. Il faut donc laisser ouvert cet obturateur plus longtemps qu'en plein jour. Parfois quelques secondes, parfois même lorsque l'objet est très ténu, quelques minutes. Le problème c'est qu'en faisant ceci votre capteur chauffe beaucoup et qu'il génère du bruit sur la photo. Li'mage suivante illustre bien ce qu'est le bruit. Regardez notamment la partie blanche:

Bruit d'un APN

Il est heureusement possible de supprimer ce bruit en réalisant plusieurs clichés STRICTEMENT identiques et en utilisant des logiciels d'empilement. Le bruit diminue avec la racine carrée du nombre de prises de vue.

Autrement dit, en prenant 4 photos vous diminuerez votre bruit pas 2, si vous en prenez 25, le bruit sera diminué d'un facteur 5 et si vous en prenez 100, vous le diviserez par 10! La réduction du bruit est importante car elle permet d'aller chercher des détails qui sans cette réduction seraient noyés dans le bruit.

Le bruit augmente sensiblement avec les ISO, c'est pourquoi il est préférable de ne jamais dépasser 1600 ISO (voire 800) et d'augmenter le temps de pose à la place.

Voici une illustration de l'augmentation du temps de pose. A gauche, ce dernier est trop court, à droite en revanche, il est bien réglé.

2) Le Suivi: Vous le savez tous (sauf si vous êtes platistes), la Terre tourne en faisant une rotation sur elle même en "à peu près" 24h. C'est ce qui explique que le Soleil se lève tous les matins et se couche tous les soirs. Cool! Mais il n'y a pas que lui qui évolue dans le ciel. La nuit, les étoiles, les planètes, la lune, tous les objets évoluent sur la voute céleste. Ce mouvement des astres dans le ciel est à peine perceptible à l'oeil nu mais si on utilise un télescope qui grossit 100x, ce mouvement semblera 100x plus rapide, tellement même qu'il ne suffira parfois que quelques secondes pour que l'objet que vous observiez quitte le champs de vision de votre télescope. Il faut donc pour photographier les astres avec de long temps de pose utiliser une monture de télescope qui pourra suivre précisément le mouvement de rotation de la Terre. Le degré de précision que l'on appelle "Suivi" est important puisque si l'objet que l'on souhaite photographier est petit et que l'on souhaite en déceler les détails, il ne faut pas qu'il bouge d'un pixel sur le capteur de votre appareil photo, et ce même si les poses dépassent les 5 minutes! L'image suivante vous illustre ce qu'est un mauvais suivi. On peut voir que les étoiles ont clairement bougé sur la durée de la pose.

mauvais suivi astrophoto

Abordons à présent les techniques.

1) Astrophoto en champs large avec un APN avec ou sans monture. Budget 0€ à 365€

C'est la technique la moins coûteuse. Si vous disposez déjà d'un APN et ou d'un trépied cela vous reviendra à 0€.

Il s'agit alors de poser l'appareil photo équipé d'objectif standard sur le trépied ou sur le sol en pointant l'étoile polaire (si vous ne savez comment, vous pouvez consulter cet article: Où est le Nord? qu'est-ce que l'étoile polaire?) et de mettre son appareil avec un retardateur et en mode Bulb sur quelques minutes (15 par exemple) pour obtenir ce que l'on appelle une circumpolaire mettant en évidence le mouvement des étoiles dans le ciel. Vous obtiendrez de meilleurs résultant en réglant les ISO sur une faible valeur (100 par exemple).

circumpolaire à l'APN

En utilisant un temps de pose plus court (quelques secondes, pas plus de 30, au delà le mouvement des étoiles devient visible) mais un réglage en ISO plus élevé, toujours avec une objectif de focale standard (entre 18 et 55mm par exemple) vous obtiendrez de jolis panoramas. Pour obtenir de meilleurs résultats, il est préférable de prendre au moins 5 photos identiques dans la foulée avec un déclencheur souple, une télécommande ou un retardateur et d'utiliser un logiciel gratuit tels que SIRIL pour empiler les photos, supprimer le bruit et améliorer le contraste.

Voilà deux méthodes pour débuter qui vous coûteront 0€ si vous disposer d'un APN.

Si vous souhaitez, car vous en disposez, utiliser un téléobjectif c'est possible! Mais il vous faudra alors mettre en place un suivi. Pour cela il existe de petites montures peu onéreuses dédiées: notamment la célèbre StarAdventurer mini de Skywatcher à 290€. Pensez à prendre le package complet et le trépied nomade à 75€ si vous ne disposez pas de trépied photo.

Vous pourrez mettre en place un suivi, disposer alors d'un temps de pose plus long et bénéficier du grossissement offert par votre téléobjectif, prendre des centaines de photos et les empiler avec SIRIL pour obtenir un bruit minimum.

Voici deux photos prises avec cette monture et un téléobjectif.

centre de la voie lactée, Staradventurer

Centre de la voie lactée avec une StarAdventurer et un téléobjectif

Région de Barnhard

Orion à la StarAdventurer et au téléobjectif

Les résultats dépendront évidemment de la qualité de votre APN souvent liée à la génération du capteur et du nombres de prises de vue que vous empilerez sous SIRIL. Gardez aussi en tête que cette technique ne vous permet de photographier que des objets vastes

Configuration 1: 0€

  • Votre Appareil photo Numérique de type reflex: 0€

 

Configuration 2: 360€

  • Votre appareil photo numérique avec un téléobjectif: 0€
  • Une monture StarAdventurer Mini 290€
  • Un trépied nomade 75€

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2) La Digiscopie. De 10€ à 470€

La digiscopie est une technique qui utilise le smartphone pour prendre des photos à l'oculaire d'un télescope. Généralement c'est la première technique utilisée par les astronomes amateurs qui possèdent déjà un télescope pour débutant. C'est la raison pour laquelle j'indique que son budget va de 0 à 500€ selon que vous disposiez ou non déjà d'un télescope ou que vous êtes sur le point d'en acquérir un pour débuter l'astronomie. Bien entendu, vous pourriez décider d'acheter un télescope de très gros diamètre, très cher, mais cette technique n'aurait alors plus beaucoup de sens (ce serait comme rouler à 90km/h sur autoroute avec une Lamborghini).

De nombreux télescopes ou lunettes astronomiques pour débutant disposent aujourd'hui dans les accessoires livrés, d'un support pour monter un smartphone sur l'oculaire. Mais on peut aussi trouver ces supports à des prix très démocratiques (10 à 20€) sur amazon.

La lunette Celestron Inspire 70AZ qui est un bon instrument pour faire débuter les enfants est livrée avec cet accessoire:

lunette astronomique et digiscopie

Une fois de plus. La qualité des photos dépendra alors de la mise au point que vous ferez sur votre instrument mais aussi de la qualité de l'appareil photo de votre smartphone. Inutile d'espérer empiler des images car il est quasi impossible d'obtenir un jeu d'images strictement identiques. Toutefois, bien que rudimentaire, cette technique peut parfois apporter des résultats très surprenants.

saturne digiscopie

Saturne à travers un télescope de diamètre modeste photographie en digiscopie

lune digiscopie

La Lune photographiée à l'oculaire d'un petit télescope

Bon soyons francs... inutile d'espérer obtenir aussi bien que les photos vues dans les magazines ou sur internet avec cette technique, mais... cela permet de démarrer. Egalement, sachez qu'il est absolument inenvisageable de photographier des galaxies, nébuleuses, amas d'étoiles ou tout autre objet du "ciel profond", ces objets étant trop sombres.

Enfin, c'est bon à savoir, c'est une technique très utilisée en ornithologie.

Configuration 1: 10€

  • Votre télescope: 0€
  • Un support pour digiscopie: 10€ 

 

Configuration 2: 470€

  • Un télescope Dobson Skywatcher 200mm Flextube: 460€
  • Un support pour digiscopie: 10€ 

 

3) L'imagerie planétaire. De 500€ à 4000€

C'est ici que les choses commencent à se corser pour votre budget. Pour imager correctement les planètes, il faut:

  • un tube optique de qualité avec une focale importante, une formule Maksutov ou Schmidt Cassegrain par exemple (bien qu'il soit possible de commencer avec toutes les autres formules optiques)
  • une monture motorisée (au minimum azimutale)
  • une caméra planétaire. Autrefois, il y a 10 ans, il était possible de recycler des webcams informatiques pour faire le job, c'est toujours possible bien que le résultat soit très en dessous, mais je ne l'aborderai pas ici.

Il s'agit alors de remplacer l'oculaire de votre télescope par une caméra et de réaliser des films de la Lune ou des planètes avec des logiciels gratuits tels que FireCapture ou SharpCap. Vous cumulerez ainsi des films contenant parfois jusqu'à 20 000 images que vous traiterez avec les logiciels d'alignement et d'empilement évoqués plus haut tels que SIRIL.

D'autres contraintes viennent s'ajouter: le choix de la caméra déterminé par son capteur couleur ou monochrome (le mono est plus sensible), la taille des pixels de ce dernier (je vous épargne les considérations sur l'échantillonnage de l'image, et de la formule de Nyquist) l'utilisation de filtres colorés pour relever les contrastes de bandes nuageuses par exemple, les difficultés de mise au point de l'image... Mais avec un peu de pratique, cela vient et on obtient de TRES bons résultats. C'est d'ailleurs la meilleure façon d'obtenir des images en planétaire.

Je vous présente deux configurations, chacune aux extrêmes du budget:

Configuration 1: 500€

  • Un télescope Maksutov Cassegrain 102mm sur monture azimutale goto à 425€
  • Une caméra Datyson T7C à 75€ sur ali-express
  • Une barlow x2 à 50€ (optionnel bien que recommandé car permet de doubler la focale et d'obtenir une image plus grande, idem je vous épargne les considérations sur l'échantillonnage)

Voici typiquement ce que l'on peut obtenir avec ce matériel:

Saturne au MAK102

Configuration 2: 4000€

  • Un télescope Schmidt-Cassegrain Celestron C11 sur monture équatoriale motorisée: 3345€
  • Une barlow 2x Televue (pour doubler la focale) 130€
  • Un filtre UV/IR Cut pour filtrer les rayonnements ultraviolets et infrarouges qui viennent empatter l'image: 60€
  • Un ADC (Correcteur de dispersion atmosphérique), pour corriger la dispersion des couleurs liée à l'atmosphère terrestre: 145€
  • Une caméra couleur digne de ce nom (restons sur la couleur pour faire plus simple). ASI 224MC: 300€ 

 Avec ce type de matériel voici ce que l'on obtient:

 

Bien sur il existe plein de configurations intermédiaires. La mienne, par exemple, à base de Maksutov Cassegrain Nexstar 127SLT de chez Celestron, avec une barlow x2 Explore Scientific, un filtre UV/IR cut et une caméra T7C représente un budget de 800€ et donne de très bons résultats! 

Je recommande d'ailleurs de démarrer avec un Maksutov 127.  Le Nexstar 127 me semble être un excellent compromis pour moins de 600€.

Celestron Nexstar 127 SLT, un excellent télescope à moins de 600€ pour démarrer l'imagerie planétaire

 

4) Le ciel profond à l'APN sur monture équatoriale. De 1000 à 8000€

Les 3 techniques présentées précédemment ont le gros avantage de pouvoir être mises en oeuvre rapidement sur le terrain. Ici il s'agit de photographier le ciel profond avec un appareil photo dont on a retiré l'objectif pour le remplacer par le télescope.

C'est assez coûteux en temps sur le terrain car il faut faire de nombreuses photos de plusieurs secondes, voire minutes et ensuite les traiter par les logiciels d'alignement et d'empilement présentés précédemment tels que SIRIL.

L'appareil photo: Canon s'avère être la marque de référence pour l'astrophoto, bien qu'aujourd'hui le Sony AS7 le supplante car ne génère que très peu de bruit sur les prises de vue. De manière générale un appareil réflex numérique associé à une bague T2 pour le monter sur le télescope devrait pouvoir faire l'affaire. Mais il faut compter sur une télécommande, voire un intervallomètre pour que les prises de vue puissent être faites automatiquement.

D'autre part, cette technique demande des modifications du capteur de l'appareil photo pour obtenir de meilleurs résultats. Ce n'est pas obligatoire bien sur, mais c'est mieux. En effet, presque tous les appareils photos vendus de nos jours disposent d'un filtre qui bloque le passage de certaines couleurs que l'on retrouve justement dans les objets que l'on veux photographier (la raie d'émission H-alpha dont je parlerai au dernier chapitre). Ne pas retirer ce filtre, revient à se priver de ces belles couleurs. De petites entreprises françaises (autoentrepreneurs) se chargent de tout pour environ 300€.

Pour illustrer mes propos voici le même objet photographié dans les mêmes conditions avec le même appareil photo, un Sony A7S, d'abord dans sa configuration d'origine, ensuite après avoir été défiltré.

 

Le télescope:  Tout est possible ou presque, seulement il est préférable de:

- Garder un rapport Focale/Diamètre le plus bas possible (F/D 5 étant idéal). En effet, plus ce rapport augmente, plus vous devrez faire des poses longues et plus le suivi devra être irréprochable. Une bonne configuration est alors par exemple un télescope Newton 150/750 (diamètre de 150mm et de focale 750mm) présentant un F/D=5. Ou encore une lunette 80ED (réputée pour le piqué de ses images) qui dispose d'un diamètre de 80mm et d'une focale de 560mm à laquelle on associe un réducteur de focale de 0,8x pour ramener la focale à 450mm (F/D=5,6)

- D'utiliser le bon télescope en fonction des dimensions de l'objet que l'on veux photographier. Plus la focale est élevée, plus le champ sera petit. Ainsi pour imager de vastes nébuleuses la lunette de 80ED, de focale modeste, sera préférable, tandis que pour des petites galaxies, un télescope Newton 250/1200 sera plus adapté.

A ces tubes on associe généralement des dispositifs optiques permettant de corriger les défauts inhérents à la formule optique utilisée. Ainsi pour un télescope Newton, on rajoutera un correcteur de coma et pour la lunette un aplanisseur de champs/réducteur de focale

La monture: C'est ici qu'il faut mettre la main au porte feuille souvent de manière TRES conséquente.

Je vous l'avais expliqué plus haut, mais lorsque l'on veut faire des poses longues, il faut que le suivi soit impeccable. Il est donc indispensable d'acheter une monture équatoriale allemande motorisée. Celle-ci doit être dimensionnée au tube qu'elle porte. De nombreux vendeurs annonces des charges utiles qu'il convient de diviser SYSTEMATIQUEMENT par 2 lorsque l'ont fait de l'astrophoto. Ainsi une monture Skywatcher HEQ5 est annoncée pour 12kg, mais elle n'en portera que 6kg en astrophoto. Pensez aussi au poids de votre appareil photo, de vos accessoires et de votre éventuel autoguidage! Il est donc illusoire de vouloir lui faire porter un télescope Newton 200/1000 ou un Schmidt Cassegrain de 8 pouces pour de l'astrophoto. C'est peine perdue et pour ces deux télescopes il faut par exemple s'orienter vers une skywatcher NEQ6 dont le prix est déjà de 1500€, juste la monture...

C'est l'une des raisons pour lesquelles j'adore ma petite lunette 80ED avec ces 2,5Kg...

La monture doit disposer d'un viseur polaire afin de mettre l'axe de rotation de la monture sur l'axe de rotation de la Terre avec la plus grande précision. (Tout cela coûte un peu de temps sur le terrain, mais avec l'habitude on va plus vite).

L'autoguidage: Pas toujours indispensable, il consiste a asservir les moteurs de la monture sur le suivi d'une étoile à l'aide d'une petite lunette montée en parallèle du télescope principal, d'une caméra (typiquement la T7C présentée au châpitre précédent est idéal pour ça), et d'un logiciel gratuit: PHD2. Il devient très utile lorsque l'on utilise un télescope avec un rapport F/D important ou lorsque l'on dépasse la minute de pose avec n'importe quel télescope.

Les DOF: Une fois tout ce matériel acquis et mis en place, on peux commencer à photographier. Mais, une chose que les débutants oublient souvent c'est qu'il faut aussi faire des photos spécifiques au traitement: les Darks, les Offsets et les Flats (DOF).

- Les premières représentent une carte du bruit thermique de votre appareil photo que le logiciel de traitement viendra soustraire à toutes vous images de votre objet. Il faut en réaliser au moins 15, télescope obturé, avec le même temps de pose, mêmes ISO et même température que celles de l'objets. On les fait en général en fin de séance. Attention si votre temps de pose est de 3 minutes, il faut prévoir 45 minutes pour faire les Darks!

- Les secondes, les offsets,  sont les plus simples à réaliser. Elles cartographient le bruit de lecture de votre APN. Au moment ou votre appareil lit le capteur pour l'enregistrer sur la carte SD, du bruit est généré. Il faut prendre un vingtaine de prises de vue au temps de pose minimum (1/4000), à même ISO et même température que vos photos de l'objet, télescope obturé.

- Les dernières, les Flats, représentent eux une cartes des poussières sur votre chaîne optique, et permettent de limiter le vignettage (bords plus sombres sur la photo), il faut alors photographier une surface uniformément blanche SANS toucher au réglage de mise au point de votre télescope. On en prend une vingtaine et on règle le temps de pose de manière à avoir un histogramme au 2/3. Elles seront "divisées" à chacune de vos images de l'objet avant l'empilement.

Heureusement, c'est le logiciel d'alignement et d'empilement qui se charge de faire le traitement de vos photos avec les DOF que vous lui donnerez. 

Je vous présente à présent deux configurations:

Configuration 1: 1015€

  • Skywatcher 150/750 sur monture NEQ5 non motorisée 615€.
  • Un viseur polaire à insérer dans la monture: 45€
  • un jeu de moteurs avec raquette de commande 155€
  • un APN Canon EOS 1000D défiltré, environ 200€

Voici ce que vous obtiendrez avec cette configuration:

Configuration 2: 8400€

  • Lunette SkyWatcher 120ED Esprit sur AZEQ6 GOTO: 4390€
  • Correcteur/aplanisseur de champ pour lunette 120ED: 235€
  • APN Sony A7 III: 2300€
  • Défiltrage du Sony A7 III: 480€
  • Intervallomètre pour Sony A7S: 32€
  • Lunette guide 90/500 avec accessoire: 400€
  • Caméra guide monochrome ASI290MM: 330€
  • Filtre UV/IR cut Baader indispensable sur ce type d'optique: 98€
  • Filtre UHC Baader qui renforce le contraste des nébuleuses, indispensable s'il y a de la pollution lumineuse: 135€

Avec ce type de matériel pour pourrez obtenir ce type d'images:

5) Imagerie du Ciel Profond à la caméra CMOS ou CCD. De 915 à 9000€

Il y a encore une dizaine d'années cette technique était réservée à une élite, tellement les caméras dédiées étaient spécifiques et chères. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. 

Au lieu d'utiliser un appareil photo pour imager les objets du ciel profond, l'idée est d'utiliser une caméra. Il y a deux méthodes, l'une étant beaucoup moins chère que l'autre et étant une excellente alternative à ce qui a été présenté au chapitre précédent en terme du budget car à peu près équivalent. Mais elle n'offrira pas tout à fait les même résultats. 

a) Imagerie CMOS

L'idée étant alors d'acquérir une caméra similaire à celle utilisée pour l'imagerie planétaire. On la choisira monochrome car beaucoup plus sensible en luminosité que la version couleur et avec un capteur plus grand. Car la taille capteur étant réellement petite, le champ recueilli est nettement plus petit qu'avec un APN.

On la positionne au foyer du télescope et on réalise des films avec des temps d'exposition de l'ordre de la seconde. L'idée étant, comme pour le planétaire d'avoir des films suffisamment longs pour avoir BEAUCOUP d'images à traiter dans les logiciels d'empilement. Certes, le temps de pose étant court, certains détails très faiblement lumineux accessibles à l'APN ne le seront pas, toutefois le si vous traitez 10000 images vous aurez divisez le bruit par 100 et en poussant les curseurs dans photoshop vous réussirez à sortir certains détails.

Cette technique, ne dispense en rien de réaliser des Darks, Offsets et Flats, mais elle a au moins 2 ENORMES avantages:

- Les temps de pose étant plus court, le suivi peut être un peu moins rigoureux. Il devient alors possible d'oublier l'autoguidage voire même possible de faire porter un Schmidt Cassegrain à une monture EQ5.

- Vous pouvez être moins regardant sur les conditions de turbulence atmosphérique et de vent. En effet si vous ratez quelques images, ce ne sont que des images d'une seconde ou deux et pas des images qui vous ont coûté 3 minutes. La turbulence atmosphérique ayant une amplitude plus faible sur la seconde, il y a aussi des chances pour que votre image finale soit légèrement plus fine.

Par contre, elle a deux inconvénients:

- Il y a beaucoup d'images à traiter, il faut donc un ordinateur de compétition avec disques SSD...

- Comme je le disais, les temps de pose étant plus court, il ne faudra pas aller chercher les objets trop faiblement lumineux.

Pourquoi ne fait-on pas des poses plus longues avec ces caméras? Tout simplement parce que le bruit thermique devient colossal, que le capteur chauffe fortement... On rentre alors dans le deuxième monde.

b) Imagerie CCD

Le principe reste le même sauf que les capteurs sont beaucoup plus sensibles et mieux conçus. Ils sont en outre très souvent refroidis par des modules pelletiers. On monte souvent à 15/20 minutes de poses avec une sensibilité largement supérieure à celle d'un APN. Avec cette technique, on peut aller chercher presque n'importe quel objet du ciel profond, aussi ténu qu'il soit... Evidemment les caméras CCD ont un coût. Il faut compter de 2000 à 4000€

Avec l'imagerie CCD les temps de pose étant longs, la contrainte sur le suivi est la même, voire plus drastique que celle de l'imagerie à l'APN.

Dans les deux cas, on image en Noir et Blanc et on utilise une roue à filtre que l'on place entre la caméra et le télescope pour y placer un filtre rouge, puis bleu, puis vert.

On image par exemple 1h sans filtre, on appelle cela la pose de luminance, puis 30 minutes sur chaque canaux. La recomposition dans les logiciels d'empilement et une expertise dans Photoshop permettent alors d'obtenir des photos splendides!

Pourquoi prendre un capteur monochrome alors qu'il existe des capteurs couleurs?

Les capteurs monochromes sont beaucoup plus sensibles à la lumière et c'est dû au fait qu'un capteur couleur est composé d'une matrice de Bayer. Chaque pixel est composé de 4 photosites. Un bleu, un rouge et 2 verts sensibles à la couleur correspondante. Le pixel est alors divisé en 4, d'où sa plus faible sensibilité sur chacun des canaux,et est 2 fois plus sensible au vert qu'au rouge ou au bleu. Alors qu'avec un capteur monochrome, ce pixel n'est pas divisé et il reçoit alors 100% de la lumière incidente.

Voici comment fonctionne un capteur couleur. Dans votre APN ou votre smartphone c'est la même choses, seule la disposition relative des couleurs peut changer.

Ne pensez pas qu'il suffise d'acheter une caméra couleur et faire du N&B avec, dans ce cas, seuls les photosites verts seraient utilisés. Vous perdriez alors la moitié de la surface utile de votre capteur! C'est dommage quand même...

Configuration 1: 915€

  • Skywatcher 150/750 sur monture NEQ5 non motorisée 615€.
  • Un viseur polaire à insérer dans la monture: 45€
  • Un jeu de moteurs avec raquette de commande 155€
  • Une Caméra Datyson T7M: 100€

Avec cette configuration voici ce que vous pourriez obtenir:

Configuration 2 : 8910€

  • Un Schmidt Cassegrain C8 EDGE sur monture CGEM 2 GOTO: 3450€
  • Une Camera CCD ATIK 4000: 3990€
  • Lunette guide 90/500 avec accessoire: 400€
  • Caméra guide monochrome ASI290MM: 330€
  • Une roue à filtres électronique ZWO: 215€
  • Lot de 5 filtres L-RGBC Baader: 525€

Voici ce qui a été obtenu avec cette configuration: 

6) Imagerie en bande étroite

La technique reste la même que précédemment: l'imagerie à la camera CMOS ou CCD. Ce sont les filtres qui diffèrent. Comme je l'avais expliqué dans une autre article (Qu'est que ces nuages de gaz lointains que l'on appelle nébuleuses?), les nébuleuses sont composées de gaz. Si on veut mettre en évidence tel ou tel gaz, il faut utiliser des filtres spéciaux.

Principalement, il y en 4 types:

  • le filtre Ha ou H-alpha qui renforce le contraste des nébuleuses dans la longueur d'onde 656 nm, raie d'émission de l'hydrogène alpha (rouge).
  • le filtre Hb ou H-Beta qui renforce le contraste des nébuleuses dans la longueur d'onde 486nm, raie d'émission de l'hydrogène beta (bleu)
  • le filtre SII renforce aussi le contraste des nébuleuses dans la raie d'émission du souffre, 672nm, (rouge foncé)
  • le filtre OIII quant à lui renforce le contraste des nébuleuses dans la raie d'émission de l'oxygène, 500nm (bleu vert)

Voici un petit graphique qui résume l'utilité de chacun des filtres:

Il s'agit donc d'une alternative au RVB présenté précédemment mais beaucoup plus sélectif. Les autres couleurs ne passant pas à travers les filtres on a juste les raies qui nous intéressent, pas de couleur parasite. Les images obtenues sont donc très colorées et très contrastées.

Ces filtres sont des oeuvres d'art. C'est pourquoi ils sont très chers, compter 850€ pour les 4 filtres. La roue à filtre devient alors indispensable dans la configuration.

Je ne présenterai qu'une seule configuration avancée car cette technique n'a pas trop de sens pour un débutant complet.

Configuration: 16000€

  • Lunette Takahashi FSQ85EDX complète: 4275€
  • Monture Equatoriale Takahashi EM-200FG TEMMA-2Z Goto: 5970€
  • Une Camera CCD ATIK 4000: 3990€
  • Lunette guide 90/500 avec accessoire: 400€
  • Caméra guide monochrome ASI290MM: 330€
  • Une roue à filtres électronique ZWO: 215€
  • Jeu de 4 filtre 2" baader Ha-Hb-SII-OIII: 850€

Voici ce que cette "petite" lunette de qualité exceptionnelle a capturé en près de 40h de poses cumulées!

Il existe depuis quelques temps des observatoires privés dans des lieux privilégiés tel qu'au Pérou qui disposent de ce type de matériel, et même plus gros. Il est possible de louer des heures de télescope dans ces observatoires, vous pilotez alors votre télescope, votre roue à filtre et votre imageur depuis chez vous avec un PC. C'est parfois un bon moyen pour se lancer. Je vous invite à visiter ce site: https://www.itelescope.net/ 

6) l'imagerie solaire

Ne regardez jamais le Soleil dans votre télescope, vos jumelles ou même à l'oeil nu sans protection adéquate, vous perdriez la vue, et ce de manière DEFINITIVE et en plus vous endomageriez votre télescope.

L'imagerie solaire est un monde à part. Je le connais moins bien, mais je vais tenter de vous le décrire. Basiquement il y a deux façons d'imager le Soleil. Dans les deux cas, c'est avec une caméra utilisée en imagerie planétaire que l'on obtient les meilleurs résultats.

a) En lumière "blanche". De 405 à 2700€

Il existe des filtres dédiés que l'on place à l'avant du télescope pour observer ou photographier le Soleil. Ces filtres souples et peu chers ne laissent passer que 0,001% de la lumière et c'est largement suffisant. Il existe deux densités différentes.

  • densité 5, adaptée à l'observation visuelle
  • densité 3.8 adaptée à la photo, mais dangereux en visuel

Il suffit alors de reprendre l'une des configurations décrites dans la section imagerie planétaire et d'associer ce filtre avant de faire un film avec le plus d'images possible et de les traiter. La tâche peut être ardue, car la mise au point est compliquée et l'image est extrêmement turbulente. Ce qui implique que vous aurez un important rejet d'images dans votre film, d'où la nécessité d'en faire un suffisamment long. Cette technique permet à moindre coût d'étudier les tâches solaires et leur évolution sur notre étoile.

Configuration 1: 405 €

  • Une lunette achromatique 70/700 sur monture azimutale goto à 310€
  • Une caméra Datyson T7C à 75€ sur ali-express
  • Une barlow x2 à 50€ (optionnel)
  • Un filtre souple de densité 5 (polyvalent visuel/photo): 20€
 

Voici ce que vous obtiendrez:

Configuration 2: 2640€

  • Un télescope Schmidt-Cassegrain Celestron C8 Fastar sur monture Advance VX: 2120€
  • Une barlow 3x Televue: 130€
  • Un filtre UV/IR Cut:60€
  • Une caméra couleur ASI 224MC: 300€ 
  • Un filtre souple de densité 3.8: 30€
 

Voici alors, ce que vous pourriez obtenir:

 b) Le soleil en H-Alpha, Calcium CaK, effet doppler... des instruments dédiés à 4000€

Je n'aborderai que très brièvement cette section ne connaissant pas ce monde. Ce que je peux vous en dire c'est qu'ici nous n'utilisons plus les mêmes instruments, mais des lunettes dédiées à l'imagerie solaire. Des filtres sont présents sur la chaîne optique en fonction de ce que l'on veut observer. Il est possible de régler la pression dans ces filtres qui contiennent de l'air afin de moduler la longueur d'onde que l'on veut mettre en évidence. Le filtre bloquant ne se situe plus à l'avant de la lunette mais dans le porte oculaire.

Le prix d'une lunette dédiée, une Lunt 60mm équipée toute option H-alpha ou Cak, est de 3400€ sans monture...

Lunt 60mm

L'imagerie se fait à la caméra et permet d'observer en détail l'évolution de l'atmosphère solaire dans la raie d'émission de l'hydrogène alpha.

Une autre version de cette lunette dédiée à la raie du Calcium CaK donne des images comme celle ci:

Conclusion

Certains astronomes poussent le bouchon encore plus loin avec des configurations qui dépassent l'entendement, des télescopes "maison" avec miroirs taillés à la main de plus de 500mm de diamètre, des coupoles montées en dur dans le jardin... pfiouh... vous n'imaginez même pas!!!

Sachez toutefois que vous n'êtes pas obligés de partir sur des solutions à 15000€ pour faire de l'astrophoto. Comme je vous l'ai montré, il est possible de démarrer avec ce que vous avez déjà et si vous souhaitez avoir de très bons résultats sur du ciel profond, la configuration n°1 dans le 4ème chapitre devrait déjà vous satisfaire, ou même un reflex avec téléobjectif monté sur une StarAdventurer mini.

Je n'ai que survolé le solaire en Ha et Cak, parce que je ne connais pas ce domaine tellement spécifique! J'espère que vous m'en excuserez.

Avant de vous lancer, sachez que l'astrophoto requiert du temps, beaucoup de temps et de patience. On ne réussit pas tout de suite, on se gamelle, on poste ses photos sur des forums où l'on recueille de si précieux conseils. Et un jour, on commence à regarder ses photos et se dire qu'on est fier. Fier d'avoir réussi à capturer ces merveilles de la nature qui ne sont accessibles qu'à ceux qui s'en donnent la peine.

Voilà, n'hésitez pas à me poser toutes vos questions par le biais du lien contact sur ce site.